Portrait par Alejandro Marcos

Longtemps Jean Sébastien Bach a été pour moi un maître vénéré mais austère. Une sorte d’architecte de la Musique.

Il me semblait, alors que j’étais à cette époque athée, que sa musique était le plus proche de l’image de Divin que j’avais, qu’elle me projetait dans une sorte d’éternité statique, de bien-être sans début ni fin.

Les enregistrements que j’écoutais, et une sorte de fascination romantique pour la personnalité de Glenn Gould me confortaient dans cette vision.

Un jour que j’écoutais les "Suites pour Violoncelle" dans la version de Pablo Casals, mon épouse m’a dit la phrase la plus surprenante qui soit. Elle m’a dit : « C’est triste. Tu écoutes de la musique triste ». Bach triste ?

Impossible ! Bach n’est ni triste ni gai! Bach EST. Je voulais comprendre ce qu’elle ressentait.

Je me suis donc mis à étudier les Suites avec ma clarinette basse, bien décidé à en produire une version, sinon gaie, du moins pas «triste».

Et c’est là, en travaillant, en entrant dans les suites, en essayant de m’imprégner de la volonté mélodique et harmonique du maître, que je fis une découverte qui me bouleversa : cette musique avait été improvisée et relevée à la volée. J’en étais certain.

Il n’existe pas de manuscrit autographe des suites. La plus ancienne version connue est de la main de sa femme, Anna Magdalena. Les longueurs des phrases sont irrégulières, il y a de brusques changements d’idées…. Toutes les caractéristiques de l’improvisation libre !

Si l’on accepte cette idée et que l’on les joue comme telles, on y découvre une autre personnalité possible de Jean Sébastien Bach : séduisant, espiègle, joueur, et extrêmement lyrique.